DIX-NEUVIEME SIECLE

La Brie vue par ses médecins, par Damien Blanchard et François Léger, Editions Fiacre, 2009, Montceaux-lès-Meaux, 225 p. + ill

Cet intéressant ouvrage, préfacé par le professeur Géraud Lasfargues, président de l'Académie nationale de Médecins, est constitué par la réédition des "Topographies médicales" de Meaux, Melun et Provins,médic aprécédée d'une présentation "Note sur les topographies médicales à la fin de l'Ancien Régime" par Damien Blanchard et suivie d'extraits des" Observations sur les maladies les plus ordinaires faisant suite à la topographie du département de Seine-et-Marne (1791), par M. Bertin, docteur en médecine à Rosoy.

D. Blanchard nous rappelle que "La Société royale de Médecine, placée sou sla protection royale et sous l'autorité de Joseph de Lassone, médecin du Roi, et de Félix Vicq d'Ayr, son actif secrétgaire, a oeuvré pour initier la première politique sanitaire d'Etat permanente et de grande envergure". Plusieurs actions, complémentaires, ont été en effet menées par l'Etat en matière de santé publique: "vérifications des médicaments, des remèdes secrets, des eaux minérales, traitement des maladies épidémiques et épizootiques,..., etc." Cette Société royale de médecine résulte de la réunion en 1778 de la Commission de Médecine (1776) s'intéressant aux maladies épidémiques et épizootiques par un réseau de correspondance avec les médecins de province, et de la commission des remèdes secrets et des eaux minérales. Les topographies médicales sont alors dressées à l'instigation de Vicq d'Azyr, chargées de décrire tous les éléments ayant une influence sur la santé dans une unité territoriale définie.Elles permettent ainsi de saisir le contexte dans lequel a opéré la médecine du temps. Dans notre cadre local elles nous donnent un instantané de l'état de salubrité et d'hygiène d'une ville ou d'une région, et de santé d'une population.

La première "topographie", celle de Meaux est due à la plume alerte et à l'esprit tout imprégné d'hygiénisme de Fulcran Enguin (sous le voile de l'anonymat), et date de 1825 pour sa première édition. François Léger nous livre, avant sa transcription, une biographie résumée de ce médecin exemplaire, témoignant d'un grand zèle. Il marqua l'histoire de la vaccination à Meaux, et mérita hommages et respect. Né en 1754 à Lunel (diocèse de Montpellier), il vient à Meaux en 1778 et est reçu Maître en chirurgie. Sous la Révolution, il se fait imprimeur, choisi par Mgr Camille Louis Apollinaire de Polignac comme imprimeur de l'évêque, jusqu'en 1809-1810, époque à laquelle l'imprimeur de sa "topographie médicale", l'imprimeur Dubois-Berthault lui succède dans cette tâche. Il revient désormais à sa vocation première de soignant et en 1812, âgé de 56 ans, il soutient sa thèse de doctorat. Sous la Restauration il devient directeur de la vaccination de l'arrondissement de Meaux associant activité administrative et actions assidues sur le terrain. En 1829, âgé de 75 ans il quitte Meaux pour Pissefontaine (Yvelines) où il mourra en 1842 à 88 ans.

Sa "topographie médicale", qui représente 106 pages dans cette réédition, est un véritable bijou par la multitude de renseignements qu'il donne sur les conditions de vie à Meaux à cette époque: la géographie de l'environnement et la topographie de la ville sont décrites en détail, ainsi que l'exposition aux vents, l'ensoleillement et le climat. L'étude approfondie des quartiers de Meaux, vieille ville, vieux Marché, et de ses faubourgs l'amène à des considérations sur l'état de salubrité et d'hygiène assez déplorables de bien des lieux. Mais il ne s'arrête pas là, son ouvrage se termine sous forme de "notes" par des propositions concrètes destinées à améliorer ces conditions: création d'un abattoir public pour tous les bouchers et charcutiers de la ville, développement des bains publics, installation de fontaines publiques, choix d'un emplacement hors de la ville pour un nouveau cimetière, éloignement de l'emplacement des tanneries et lavages des toisons, paratonnerre ambulant, déplacement de "l'hôpital des malades",etc.

La "topographie médicale de Melun" par M. Le Brise-Ogueil, médecin du Roi et des hôpitaux de Melun, est très succincte (5 pages) et, après une page de considérations générales sur la topographie de la ville, la climatologie et la vie des melunais, se concentre essentiellement sur l'höpital des hommes, situé au Nord de la ville, celui des femmes fondé au onzième siècle et situé à l'Est et sur la prison située sur le bord de la Seine, servant plus d'hôpital que prison...

La "topographie médicale de Provins", datée de 1784, est due à Paul Joseph Victor Naudot, dont F. Léger nous donne une courte biographie. Né à Provins en 1744, il devient docteur en médecine à la faculté de Reims en 1777 avec une thèse sur les eaux minérales de Provins, s'appuyant sur "Analyse des eaux de Provins" de Christophe Opoix. Il est nommé médecin des épidémies en 1792 et décède à Provins en 1801 à 57 ans. Son livre représente moins de trente pages et est bien plus détaillée que la précédente. Nous y apprenons que la population à cette époque est de 5000 personnes (Melun 4000 en 1786, donc même époque, Meaux 6 à 8000 en 1825 soit un peu plus de trente ans plus tard). La première partie traite de la géographie locale, du climat, de la géologie. La seconde concerne les trois hôpitaux: un hôpital général créé en 1743, une maison des orphelines fondée en 1695 et un "grand Hôtel-Dieu" fondé en 1050 par Thibault I, septième comte de Champagne et de Brie. Le règlement qui organise son fonctionnement nous est donné de façon détaillée, datant du 7 novembre 1783. Suit enfin une partie traitant des "maladies qui ont régné à Provins depuis quelques années": bonne santé générale de la population, épidémies de petite vérole tous les 8 ou 10 ans, de fièvre miliaire, de fièvre épidémique, etc., présentées année par année.

Enfin les "Observations...faisant suite à la topographie médicale du département de Seine-et-Marne" sont dues à Louis Denis Bertin (1740-1802), natif du canton de Villers-Cotterets, qui fut médecin à Rozay jusqu'à sa mort. Elle commence par un long développement sur les causes externes des maladies en particulier celles tenant au renouveau néo-hippocratique (eaux, airs, lieux) de la médecine de cette époque, auquel s'adjoint l'étude du logement, des travaux notamment des champs, de la nourriture et de la boisson, suivie de considérations sur les travaux publics susceptibles de réduire ces facteurs environnementaux. Vient ensuite un catalogue des maladies effectivement observées: rhumes, asthme, coqueluche, fièvres,celles-ci formant un chapitre toujours aussi étoffé et aussi confus dans la médecine de l'époque.

Pour conclure, nous ne saurions trop recommander la lecture de cet ouvrage, excellent témoin de l'état d'esprit de toute une époque et complété d'une bonne bibliographie.