ANTIQUITE

 

"Nouvelle approche du réseau viaire de la ville antique de Meaux", par David Couturier, Revue archéologique d'Ile-de-France, tome I, 2008, p. 191-208, 12 fig.

Le plan du réseau des rues antiques de Meaux a été établi au XIXe siècle par Antoine Carro, puis complété par des fouilles réalisées dans les dernière décennies du XXe siècle: il s'agit d'un quadrillage au sein duquel J.-M. desbordes a qualifé de cardo maximus la rue antique située entre les actuelles rues de Chaage et Saint-Faron, tandis que D. Magnan a postulé son corollaire, le decumanus maximus, qu'elle superpose à la rue Saint-Remy.

Ayant dirigé plusieurs fouilles préventives depuis le début de notre siècle, David Couturier apporte à la fois des confirmations aux vues d'Antoine Carro et des compléments dans le cadre topographique de la ville du Haut-Empire.

1° Il faut d'abord signaler la mise en évidence d'une occupation structurée de La Tène D2b sous les vestiges de la ville romaine lors des fouilles de 2005, boulevard Jean Rose, pouvant être un site important, représentant l'extension septentrionale de l'occupatrion laténienne tardive qui va de la rue Alfred Maury jusqu'au Centre Hospitalier. Il semblerait que la ville antique se soit développée sur l'emplacement de cet habitat laténien tardif.

2° Il considère comme attestée l'existence d'un théâtre et d'un édifice de spectacle à arène, mais rien n'indique la présence d'un cardo au nord du théâtre; de même la fouille du 23 boulevard Jean Rose a montré que les thermes repérés au sud de la rue Saint-Faron ne sont pas situés le long de l'axe majeur supposé.

3° Lors de ces diverses fouilles, sept tronçons de rues ont été découverts entre 2002 et 2007 dont quatre repérés lors d'un diagnostic, un en fouille et deux lors de surveillance de travaux.

- Le cardo 1 a été repéré au fond de la parcelle située 60 rue de Chaage par deux tranchées de diagnostic, avec une largeur maximale (au nord) de 5,8 m.

- Le decumanus 3 a été découvert au cours d'une surveillance de travaux en diagnostic au 4 rue Saint-Faron: la rue a été observée sur une longueur de 6,8 m et une largeur de 2,2 m. Les niveaux de circulation ont pu être observés sur une hauteur de 1,6 m. Le mur sud de clôture de la propriété est posé sur le dernier niveau.

- Le cardo 2 est retenu lors de deux investigations; d'une part au 62-72 rue Saint-Faron: une voirie de 3,9 m de large, entamée sur 0,5 m de hauteur seulement, est composée d'un niveau d'amphores écrasées sur place surmontant un niveau de blocs de pierre et recouvert d'une recharge composée de cailloutis et de graviers compacts. 90 m au nord, au 100 de la même rue, fut retrouvé à nouveau un niveau d'amphores associé à des cailloutis et du sable compactés. Enfin, 9 m plus au nord, une tranchée de sondage trouve un alignement de blocs calcaires recouverts par une couche de 0,25 m de petits blocs de meulière surmontés de petits blocs calcaires associés à du sédiment. Tous ces niveauw sont recoupés par des constructions postérieures en rapport avec l'abbaye Saint-Faron.

- Le decumanus 1, dans la même tranchée, plus au nord, est observé sur une largeur de 2,4 m et une hauteur de 1,1 m, le plus ancien niveau étant constitué de sable compacté.

- Cardo 3: la fouille réalisée au 23 boulevard Jean Rose a décelé cette rue à 3 m sous le niveau actuel et les diverses couches successives de recharge atteignent 3m d'épaisseur, étudiées dans leur totalité sur 20 m de long. Datée de l'époque augustéenne, la chaussée primitive, large d'au moins 7 m sur une épaisseur de 0,8 m, est située en bordure est d'un fossé comblé à une période augustéenne ancienne. Au dessus, la chaussée est réduite à 5 m par des constructions à son côté est; au dessus, un trottoir de 0,7 m la longe à l'est, constitué de blocs de meulière et bordé à son tour à l'est par le mur d'une façade. La phase suivante, constituée par un remblai, est surmontée d'une voirie de 2,5 à 3 m de large bordée à l'ouest par un caniveau. Enfin le dernier état conservé est une rue faite de grandes dalles de grès, observée sur 2 m de largeur.

- Le decumanus 2 , également d'époque augustéenne, en bordure d'un fossé comblé à la même époque, a été utilisé jusqu'au IIe siècle. Il est observé au nord de la ville au cours d'un diagnostic au 25 rue Saint-Fiacre, sur une distance de 80 m et une épaisseur de 0,5 m. La voie est large de 7,5 m dans son état le plus ancien fait de cailloutis et n'est plus que de 4 m dans son dernier état, bordée de caniveaux et trottoirs. Elle s'incurve légèrement vers le nord-est dans sa partie orientale. L'ilot d'habitat desservi par cette rue conserve de nombreuses traces de l'activité de forgerons (foyers en front de rue, scories de forge) et d'autres artisans utilisant le feu tels que potiers et verriers dont les foyers sont rejetés à l'arrière des parcelles.

4° L'article se termine par un intéressant chapitre de synthèse.

La topographie peut se déduire de l'épaisseur du sédiment: 0,5 m pour le decumanus 2 en périphérie nord, avec les traces d'activités artisanales liées au feu; 2 m pour le cardo 3 observé en zone centrale (sud) pourvu d'un revêtement soigné (dallage). Le mode de construction des chaussées est assez homogène, avec des graviers, du cailloutis, plus rarement du sable, témoignant de l'emploi des ressources alluvionnaires locales. Le sous-sol étant auto-drainant explique sans doute que les rues meldoises n'ont pas le caractère bombé habituel pour les chaussées antiques. Leur largeur originelle tend à se rétrécir avec le temps, sans doute par empiètement de l'habitat. On note en outre l'absence- jusqu'à présent- de portiques "à la romaine".

Enfin la plupart des tronçons de rues antiques découverts s'intègrent dans le plan proposé au XIXe siècle par Antoine Carro. En revanche aucun élément de voirie antique n'a été découvert pour le moment sous les rues Saint-Faron et Saint-Fiacre. Mais une conduite maçonnée voûtée observée à 0,6 m de profondeur confirme des observations plus anciennes à mettre en relation avec un établissement thermal. Plaide dans le même sens le niveau de démolition avec mortier de tuileau, de tesselles de mosaïque, d'enduits peints et de stucs découvert lors de la fouille du 23 boulevard Jean Rose, avec des éléments lapidaires architecturaux tels que bases et fûts de colonnes.

Dans le domaine de la chronologie, les fouilles ont apporté quelques indications: mise en place précoce à l'époque augustéenne du cardo 3 et du decumanus 2, mais semblant se greffer sur un parcellaire préexistant dont la datation fine reste à faire. Utilisation attestée au moins jusqu'au milieu du IIIe siècle (voire au IVe pour le decumanus 3, au sud, à proximité immédiate du castrum).

"De la terre végétale ancienne et des fosses de plantation: pour une approche pragmatique en milieu urbain: l'exemple de Meaux (Seine-et-Marne)", par David Couturier, Revue archéologique d'Île-de-France, n°3, 2010, p. 24+9-262.

Une analyse détaillée de cet intéressant article est prévue dans le Bulletin 2012 de la SHMR.